Des Frontières et Des Barrières - Seuils et Séparations


Pour aborder la question des frontières, nous nous sommes laissé emporter par une interrogation métaphorique autour de la notion des frontières dans les dessins… Comment visualiser le concept de centre, de périphérie et de frontière dans les dessins ?
curaKazma2023
curaKazma2023

Dans les dessins, il n'y a pas de centre, les structures de pouvoir sont omniprésentes. Les lignes épaisses et poreuses représentent les frontières ou les barrières, et les différentes flèches signifient les mouvements / conditions possibles. Où sommes-nous positionnés, de quel côté de la ligne ? Est-il possible de franchir la ligne ? Dans quelle direction nous dirigeons-nous ? Sommes-nous bloqués ? Ou sortis du jeu ? Il semble que l'on soit, soit dedans, soit dehors, soit à un seuil entre le dedans et le dehors.

Les flèches du dessin indiquent différents mouvements dans un espace donné. Les petits symboles (carrés et cercles) dans les régions frontalières représentent les devenirs possibles imaginés à la suite des différents mouvements et rencontres, qu'ils soient productifs ou destructeurs. Avec ce diagramme, nous pouvons également penser aux frontières non seulement en termes géopolitiques, mais aussi en termes de frontières entre le travail, la politique et la vie, ou en termes de séparations - être en exil, en cage ou enfermé.

El Kazma 2023 présente neuf œuvres d'art vidéo. Chaque vidéo dessine, observe ou franchit une ligne ou une frontière, explore les barrières et les distances, ou se trouve en dehors d'un territoire, perdue dans l'espace. Dans ces œuvres, les frontières sont perçues à la fois comme des facilitateurs et des obstacles. Elles peuvent être à la fois puissantes et banales, absurdes et mortelles.

Cathy Lee Crane nous emmène à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, John Smith à la frontière entre la Turquie et le nord de Chypre, tandis qu'avec l'œuvre de Lawrence Abu Hamdan, nous fait découvrir un opéra construit à la frontière entre le Canada et les États-Unis, là où Derby Line, dans le Vermont, rencontre le Québec. Avec Patricia Morosan, nous assistons à une expérience de télépoésie qu'elle a inventée pendant le premier confinement de la pandémie de la covid19 comme un moyen pour surmonter les distances et la solitude. Avec l'installation de Harun Farocki, nous participons à une curieuse exploration des extrémités des mondes des jeux -vidéo, qui incluent la possibilité pour les personnages de tomber dans l'espace. Rabih Mroué crée une autre expérience hors de l'espace avec ses dessins animés de contours de corps. Noor Abuarafeh nous emmène voir des animaux en cage dans des zoos en Palestine, en Suisse et en Égypte, et des animaux catalogués dans des musées d'histoire naturelle. Avec Lamia Joreige, nous roulons dans un paysage suspendu à Beyrouth. Enfin, filmés dans une fausse Venise au Qatar, nous observons dans des cadrages précis, des lignes et des séparations au niveau des images elles-mêmes. L'acte même de cadrer, dans le cas du travail de Rawane Nassif, signifie aussi dessiner et montrer les lignes et les structures qui séparent et combinent les éléments dans l'architecture et les façades.
En longeant la côte de Tunis à Gabès, on passe des kilomètres et des kilomètres d'oliviers. Cela m'a fait penser au petit poème- théâtre de l’américain Kenneth Koch suivant : La mer précieuse
(Deux hommes, Martín de Acuña et Guzmán de Silva, en costumes espagnols noirs du XVIe siècle, marchent rapidement dans le sud de l'Europe).

Martín de Acuña :
Pensez-vous que nous pourrons dire
Quand débute la région méditerranéenne ?

Guzmán de Silva :
Oui. Les oliviers.

Martín de Acuña :
Pensez-vous que nous pourrons dire
Quand cela se terminera ?

Guzmán de Silva :
Oui. Les palmiers.

Martín de Acuña :
Quel est le climat de cette région ?
Guzmán de Silva :
Le Froid de l'Atlantique, le Chaud du Sahara.
La Tempête de l'Atlantique, le Calme du Sahara.
Le bon mélange, c’est le meilleur de tous.

Martín de Acuña :
Je crois que nous nous en approchons. Ce ne sont pas des olives ?

Guzmán de Silva :
Oui, elles le sont... Et maintenant, nous l'avons traversé.
Martín de Acuña :
Déjà ?

Guzmán de Silva : Oui :
Oui, c’est des palmiers.
(in : Kennet Koch, 1000 pièces d'avant-garde, 1988)
Dessins : © Kaja Delezuch